VAE en Île-de-France : une urgence sociale et professionnelle face à l’effondrement des aides financières
Depuis le début de l’année 2025, la situation des candidats à la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) en Île-de-France suscite une vive inquiétude. En l’espace de deux mois, 938 personnes ont sollicité nos Centres de Conseil VAE pour se renseigner sur leur droit à faire reconnaître officiellement leurs compétences acquises en milieu professionnel. Un chiffre qui témoigne de l’intérêt et du besoin constant pour ce dispositif. Pourtant, dans un contexte de réduction drastique des aides publiques, l’accès réel à la VAE devient de plus en plus difficile, voire impossible pour la majorité.
Une diversité de profils mobilisés, mais fragilisés
Parmi ces 938 candidats, un sur deux est demandeur d’emploi, ce qui illustre le rôle crucial que peut jouer la VAE dans une logique de retour à l’emploi, de reconversion ou de sécurisation des parcours professionnels. On constate également une surreprésentation des femmes parmi les candidats (58 % contre 42 % d’hommes), confirmant que la VAE constitue toujours un levier particulièrement mobilisé dans des trajectoires féminines, parfois marquées par des parcours discontinus ou des reconversions.
Autre constat : 92 % des candidats visent une certification issue du référentiel de droit commun, tandis que seulement 8 % s’orientent vers des certifications proposées via la plateforme France VAE, récemment mise en place dans le cadre de la réforme. Cela révèle un déséquilibre entre l’offre et la demande, et sans doute un besoin de clarification et d’adaptation du nouveau système.
Une perte d’accès au conseil : la première barrière
L’un des effets les plus délétères de la réforme est la suppression du financement du conseil en VAE en Île-de-France. Désormais, les conseillers ne disposent plus que de 10 minutes par candidat pour évaluer rapidement la faisabilité du projet. Ce premier échange, bien que bref, permet néanmoins d’identifier que 676 personnes, soit 72 % des candidats, disposent d’un parcours éligible à la VAE.
Mais la suite du parcours devient immédiatement conditionnée à la capacité à financer soi-même une prestation de conseil et d’accompagnement — une exigence souvent inaccessible pour les publics les plus précaires.
Une majorité contrainte à l’abandon
Les chiffres sont sans appel : seuls 57 candidats (8 %) ont pu réellement s’engager dans un parcours VAE. À l’inverse, 448 personnes ont abandonné, soit 66 % des candidats initiaux. Parmi eux, 87 % justifient leur abandon par l’absence d’aides financières disponibles. Ces chiffres traduisent une forme d’exclusion silencieuse, où la motivation et l’éligibilité ne suffisent plus à accéder à un droit pourtant reconnu par la loi.
Des conséquences lourdes à l’échelle nationale
Si l’on extrapole cette tendance au niveau national, les projections pour 2025 sont alarmantes : moins de 5 000 personnes devraient valider leurs acquis cette année, contre environ 25 000 avant la réforme. Ce sont ainsi plus de 30 000 personnes qui ne pourront pas aller au bout de leur projet de VAE — dont plus de 16 000 femmes et 14 000 demandeurs d’emploi.
Au lieu de renforcer l’accès à la certification et à la mobilité professionnelle, la réforme actuelle crée une fracture sociale et territoriale, laissant sur le carreau celles et ceux qui auraient le plus besoin d’un accompagnement renforcé.
L’urgence d’un plan de relance pour la VAE
Face à cette situation critique, le rétablissement des aides financières constitue une urgence absolue. Il est impératif de permettre à toutes les personnes engagées dans une démarche de validation de leurs compétences de bénéficier d’un accompagnement accessible et au moins partiellement financé.
Deux mesures prioritaires pourraient être mises en œuvre rapidement :
- Un abondement du Compte Personnel de Formation (CPF) compris entre 1 500 et 2 000 euros pour tout projet VAE. Cela correspondrait à une enveloppe de 50 millions d’Euros annuel (une goutte d’eau au regard des milliards dépensés pour l’apprentissage et la formation professionnelle) et permettrait de couvrir les frais liés à l’accompagnement et à la certification VAE.
- La restauration du service de conseil en VAE, aujourd’hui réduit à une simple orientation rapide. Un conseil approfondi est pourtant indispensable pour sécuriser le parcours des candidats et éviter les mauvais choix de certification ou les abandons précoces.
Une responsabilité collective
Il en va de notre responsabilité collective de ne pas laisser la VAE devenir un outil élitiste, réservé à ceux qui ont les moyens de financer leur parcours. La VAE est un droit, un levier puissant d’émancipation, et un instrument de justice sociale.
À l’heure où les enjeux de reconversion professionnelle, de reconnaissance des compétences informelles et de lutte contre le chômage sont majeurs, il est plus que jamais temps de restaurer l’accès universel à ce dispositif essentiel.